Un an après l’assassinat de Samuel Paty, l’heure est à l’hommage sobre et digne.
Il y a un an
Il y a un an, un professeur était assassiné parce qu’il avait fait son métier. Un terroriste, fanatisé par l’islamisme radical, décapitait Samuel Paty, professeur d’histoire-géographie, parce qu’il avait utilisé des caricatures dans un cours sur la liberté d’expression. L’émotion était immense dans le pays, à travers les nombreux hommages rendus le week-end du 17 octobre, le jour de l’hommage national ou à la rentrée des vacances d’automne. Pêle-mêle, il s’exprimait alors de nombreux sentiments, la douleur face à un acte ignoble, la stupeur de voir que l’École pouvait être touchée en son cœur par le terrorisme, l’émotion dans les rassemblements pour faire corps avec tous les personnels de l’Éducation nationale face à la barbarie. Car, à travers Samuel Paty, c’est bien le cœur de l’École qui était attaqué : les missions d’apprentissage et d’émancipation et quelque part, l’idée que l’École publique laïque est ce lieu commun à toutes et à tous, qui doit favoriser la confrontation des points de vue et la construction de l’esprit critique, à l’abri de toutes pressions.
Il y a un an, l’indispensable hommage à notre collègue était escamoté par des décisions ministérielles indignes. Il y avait besoin de temps, de recueillement, d’échanges, de paroles, il y avait besoin de collectif, de réflexion, il y avait besoin de se retrouver, tout simplement. Les temps banalisés, préalables indispensables au retour des élèves, ont été pourtant brutalement supprimés à quelques heures de la rentrée. Ils ont finalement été obtenus, parfois de haute lutte, souvent en bonne intelligence avec les personnels de direction. Mais il restera cette trace indélébile d’un hommage qu’il a fallu arracher, comme s’il n’allait pas de soi, comme s’il fallait se justifier de vouloir le préparer en bonne et due forme, comme si, même dans ce contexte dramatique, il fallait encore et toujours attester de notre volonté de bien faire notre travail. Aujourd’hui encore, la colère est vive à l’évocation de cette séquence douloureuse.
Pendant un an, les personnels de l’Éducation nationale ont ensuite fait vivre au quotidien cet idéal qui les anime toutes et tous : celui d’une École publique laïque, émancipatrice. Loin du tumulte médiatico politique où s’enflamment des débats qui instrumentalisent des principes fondamentaux de notre École et qui prennent une tournure de plus en plus inquiétante pour notre démocratie. Loin du tumulte mais bien souvent très, trop, seuls.
Aujourd’hui….
Aujourd’hui, un an après, l’heure est à l’hommage et au souvenir. Dans ce moment important pour la communauté éducative, chacun devra se montrer à la hauteur en s’abstenant de toute récupération ou instrumentalisation politique et en respectant la douleur d’une communauté éducative encore éprouvée. L’heure est à l’hommage, simplement, dignement.
Le vendredi 15 octobre, les personnels se retrouveront dans des temps d’hommage dont il a été obtenu qu’ils soient à la main des personnels.
Le travail pédagogique, lui, ne se réduira pas à cette journée, il se poursuivra, sur le moyen terme, parce que c’est le sens même du travail éducatif : un travail patient et de long terme qui permet de former les citoyens de demain. Une séquence d’une heure, sur commande politique, un jour donné, n’aurait aucun sens pédagogique.
Un hommage à la hauteur, c’est aussi celui de tout un pays : Samuel Paty a payé de sa vie son engagement professionnel. Nous lui devons un hommage plein et entier. La communauté éducative ne peut pas, ne doit pas porter seule cet hommage. Le 16 octobre 2020, c’est un professeur qui a été assassiné et une certaine conception de l’école et quelque part de notre société qui était visée. Nul doute que chacun trouvera le temps de se souvenir, de se recueillir, d’être aux côtés de la communauté éducative, d’être en soutien de l’École dans cette journée si particulière.
Et demain ?
Et après ? Le quotidien reprendra, avec des moments ponctués de quelques réussites mais aussi certains plus difficiles. Il faudra plus que des mots pour traiter enfin correctement les questions relatives à la protection des personnels dont beaucoup restent encore sans réponses concrètes. Il ne faudra pas que des mots pour permettre aux personnels de faire leur travail, sereinement. Il faudra surtout qu’enfin les paroles et les actes politiques soient à la hauteur pour faire vivre les promesses de l’École laïque républicaine.