Les évaluations standardisées sont instrumentalisées par le ministre au service de son projet pour le collège.
Le communiqué de presse du ministre doublé d’un entretien dans la presse montre que Gabriel Attal fait feu de tout bois pour servir un projet de réforme régressif pour le collège.
Ainsi, il s’alarme des résultats « inquiétants » en français et en mathématiques qui ressortent des évaluations nationales passées en classe de Quatrième en septembre, promettant des « mesures fortes » en décembre prochain. Alors que les consultations de la mission « exigence des savoirs » ont toujours cours, la solution pour « contrer cet affaissement » est toute trouvée pour le ministre : des « groupes de niveau » tout au long de la scolarité du collège en français et en mathématiques. De nombreuses études ont pourtant mis en avant les effets pervers des groupes de niveau tant pour les bons élèves que pour les plus faibles d’ailleurs : perte du plaisir d’apprendre et de la motivation sous la pression de performance permanente pour les uns et, pour les autres, face à des ambitions éducatives amoindries ; accroissement des différences initiales entre élèves ; retentissement sur le processus de construction de l’identité sociale de l’élève ; objectif d’intégration sociale mis à mal…
L’autre piste envisagée par G. Attal relève de la même logique : « des parcours renforcés avec plus d’heures en mathématiques et en français pour les élèves les plus fragiles, quitte à réduire pour eux dans un premier temps le volume horaire d’autres disciplines« . Aux uns un enseignement complet et continu ; aux autres les « savoirs fondamentaux » (entendez les apprentissages instrumentaux de base) et un décrochage par rapport aux autres disciplines…
Une lecture opportuniste
Le discours du ministre se fait tantôt optimiste, tantôt alarmiste en fonction des projets structurels qu’il a pour mission d’imposer.
Un focus est ainsi fait sur les écoles de « Marseille en grand » pour en afficher l’efficacité : on avance par exemple le chiffre d’une réduction de 30% en mathématiques, ce qui a de quoi impressionner. En fait, cela correspond à une réduction de 30% de l’écart entre les résultats des élèves de ces écoles et la moyenne nationale, autrement dit, en début de CE1, le niveau moyen des élèves de REP+ de Marseille en grand s’approche du niveau moyen des élèves de REP… C’est un progrès, certes, mais pas vraiment un progrès en grand !
À l’inverse, G. Attal s’émeut dans la presse : « Un peu plus de la moitié des élèves ne lisent pas convenablement et en mathématiques, plus de la moitié ne maitrisent pas la résolution de problèmes et la géométrie ». Or la communication sur les faiblesses des élèves en géométrie et raisonnement ne repose en fait en tout et pour tout que sur une ou deux questions dans ces évaluations.
De manière plus générale, cela ne gêne nullement le ministre de s’appuyer sur les premiers résultats des évaluations de Quatrième, c’est-à-dire sur une étude menée pour la première fois et sans point de comparaison. « En Quatrième, on voit que durant le collège le niveau stagne, voire régresse, ce qui signifie que le collège ne parvient pas à réduire les écarts constatés à l’entrée en Sixième », juge Gabriel Attal. La comparaison n’est rigoureusement pas faisable car les élèves actuels de Sixième n’ont pas du tout le même vécu scolaire que ceux de Quatrième : ceux de Sixième ont pu bénéficier, en REP+, des dédoublements CP/CE1, qui permettent de réduire les écarts entre REP et non REP.
Une autre lecture, une autre ambition
La dimension sociale des résultats aux évaluations saute une fois de plus aux yeux, quand on lit les premiers résultats publiés par la DEPP. Ainsi, en début de Quatrième, un élève de REP sur 2 entre, d’après ces évaluations, dans les groupes de plus faible niveau en français et en mathématiques, cela dépasse même les 60% pour les REP+. Les scores des élèves en éducation prioritaire ont jusqu’à 30 points d’écart avec ceux hors éducation prioritaire. Or G. Attal estime lui-même que les dédoublements en CP et CE1, en éducation prioritaire, ont permis de réduire les écarts en français pour les élèves actuellement en Sixième mais l’orientation vers un collège « modulaire » semble privilégiée à celle d’une généralisation de ces dédoublements au collège.
Pour le SNES-FSU, le ministre doit cesser d’instrumentaliser les données des évaluations standardisées pour justifier la casse du collège unique, la rupture avec un projet d’éducation nationale commun à tou
tes. Réduire les effectifs par classe, financer des dédoublements, mettre plus de moyens dans l’éducation prioritaire, prendre des « mesures fortes » pour favoriser la mixité sociale et scolaire seraient nettement plus ambitieux – et efficaces, études à l’appui – pour tous et toutes nos élèves.